Cette année apicole a été dominée comme toutes les activités économiques par les contraintes des deux vagues de l’épidémie Covid du printemps et d'automne.

Les apiculteurs ont eu cette chance de posséder des dérogations pour visiter leurs ruches et ont conservé un droit d'approvisionnement auprès de leurs fournisseurs en matériel. Ce privilège a été ressenti je crois par tous, notamment dans le confinement printanier où, comme les agriculteurs, nous étions les rares personnes à pouvoir se ressourcer dans la nature.

En Bourgogne, les récoltes ont été très bonnes voir exceptionnelles pour certains emplacements. Elles ne sont pas dues à ce  calme étrange et déconcertant  qui régnait dans nos campagnes  préservées  par le confinement mais bien aux conditions climatiques très favorables pour notre région.

Il n'en a pas été de même dans le Sud de la France et surtout dans tous les pays de l'Europe de l'Est, baignée  pourtant d'un printemps précoce, très chaud et prometteur, mais vite très vite détruit par un froid inhabituel suivit de pluies intenses, puis d'une sécheresse estivale exceptionnelle. Le résultat de production de miel a été catastrophique avec un constat similaire en Italie et au  Portugal (avec en plus dans ce pays 10% de ruches brulées dans des incendies)

On déplore ainsi des signalements de cessation d'activité d'entreprises apicoles en Roumanie et en Hongrie et toutes ces nouvelles de nos collègues européens sont bien moroses

Le marché du miel

Le déficit européen de production de miel, notamment d'acacia dans  les pays de l'Est, conjugué à un meilleur contrôle des miels d'importation chinois (depuis les contrôles plus sévères inaugurés à Apimondia 2019 à Montréal) a fait remonter les cours du miel. Ainsi le miel d'acacia se négocie en gros à 11 € et le miel "toutes fleurs" autour de de 4 à 6 euros.

Cependant le réchauffement climatique bouleverse nos habitudes: il faut être plus réactif aux changements de la météo avec des miellées plus précoces, parfois tardives ou inattendues sur certains miellats. Cela contribue à la production  de miels d'origine florale moins typés, en tout cas différente des  années passées, dont parfois seule l'analyse pollinique peut valider  l'appellation précise comme par exemple pour l'acacia.

Si le nourrissement est parfois indispensable, on  rappelle la nécessité impérieuse de contrôler le timing des poses de hausses au risque d'adultérer son miel récolte par la remontée dans les hausses de sucres industriels au cours d'une miellée printanière précoce et  abondante.

Les commandes groupées de matériel au sein du SACO sont encore en hausse et doivent contribuer à l'intérêt  que suscite notre syndicat auprès des apiculteurs.

Mais je le répète, le rôle premier de notre regroupement se situe d'abord et avant tout dans la représentation syndicale des apiculteurs auprès des politiques par le biais de notre double affiliation à l'UNAF et au SNA. Le dernier épisode de revirement sur l'obtention de dérogations  aux  nicotinoïdes donnés par le gouvernement sur certaines cultures   nous a tous abasourdis. Cette année encore, en Italie, des catastrophes ont eu lieu dans les ruchers situés près d'exploitations agricoles industrielles de noisetiers traités par nicotinoïdes.

Les lettres adressées aux députés n'ont pas pu inverser ce vote bien qu'il fut controversé: le comble c'est qu'il a été refait au niveau du Sénat pour erreur de vote …

Pourtant des centaines d'études concordent sur la nocivité des nicotinoïdes. Ces politiques qui nous ont trahis ne pourront pas  dire qu'ils ne savaient pas. Les même conflits d'intérêts reviennent sans cesse dans l'actualité économique comme le  chordecone aux Antilles qui a été  répandu sans vergogne dans les bananeraies malgré les alertes, avec comme conséquences des terres polluées pour des dizaines d'années et son lot de cancers prostatique dans la population.

Le sanitaire

Le varroa reste toujours  le souci majeur avec notamment des résistances probables  à l’Amitraz. D'autre part les floraisons tardives des automnes chauds favorisent un couvain tardif provoquant  des ré-infestations de varroas en début d'hiver. Aussi l'acide oxalique en hiver devient incontournable pour maitriser au mieux  ce parasite. On rappelle l'importance des comptages qui, même s'ils ne sont pas  très fiables, donnent des reflets intéressants du comportement de ses colonies face au varroa et permettent ainsi de mieux  orienter une sélection massale dans son rucher.

La présence du  frelon asiatique est en nette augmentation  cette année qui a été  exceptionnellement chaude. Ces successions de records climatiques nous font bien ressentir à nous apiculteurs et agriculteurs que le réchauffement climatique est bien là et qu'il va falloir  s'adapter.

Une trentaine de nids ont été  signalés cette année en Côte D'Or au GDSA21 (10 en 2019). Pour l'instant seuls les apiculteurs sont concernés en Côte d'Or. Mais lorsque qu'il s'attaquera aux vergers, aux étals de marché et surtout aux vignobles avec des attaques réglées aux vendanges, gageons que cette fois que nos administrations locales  seront plus à l’écoute.

En conclusion

L'année  2020 se termine, une année qui sera marquée du sceau du Covid, ponctuée de récoltes abondantes de miel  en Bourgogne mais désastreuses en Europe par les aléas climatiques, une montée significative de la pression du Frelon asiatique, la reprise des néonicotinoides  en sous-main: beaucoup de nouvelles contrastées pour cette année apicole.

Les conséquences économiques du Covid vont arriver dans les prochaines années au moment de payer la facture et il faut beaucoup d'optimisme pour affronter la vague de conflits sociaux à venir face au   chômage et à la  fermeture d'entreprises qui s'annoncent.

Pour nous apiculteurs, le monde d'après devra se décliner avec la réactivité face aux fluctuations naturelles, et avec le développement de la communication avec le grand public conso-acteur et la  nouvelle agriculture axée sur l'importance de la pollinisation.

M.Pechinot