Voici un bon livre sorti aux éditions EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) pour occuper vos journées pluvieuses.

 Ce n'est pas un livre de technique mais une étude fouillée sur la pluralité sociale et économique de l'apiculture. Il compile de nombreuses interviews, études et recherches sur le terrain de plusieurs ethnologues, sociologues et anthropologues  réalisées ces dernières années.  Il analyse notamment  les paradoxes entre apiculteurs et agriculteurs, comme celui de l'antagonisme potentiel avec la pollinisation et les pesticides, et les différents exercices de l'apiculture et ses particularités. On voyage aussi dans le monde, en Chine notamment, dont nous avons eu en primeur l'exposé par Madame Caroline Grillot à Semur en Auxois. Il signale la dérive et l'expansion  de "l'apiculture de services "et des prix dispendieux de ces "services", notamment en ville au détriment potentiel de l'entomofaune.

Un passionnant éclairage aussi de Marie Aureille anthropologue s'interrogeant du maintien pendant plus de 20 ans des pesticides neonicotinoides. Son article "Qu'est ce qui tue les abeilles", décortique le montage d'une " construction sociale de l'ignorance " autour de problèmes épineux remettant en cause la politique ou le commerce établi, comme on l'a vu récemment en médecine sur le scandale du Mediator. Cette communication diabolique se fait en trois phases: déni (les firmes disent il n'y a pas de problème avec notre produit  face aux mortalité hivernales ) , puis la disqualification des arguments des apiculteurs (vos conclusions ne sont pas recevables, certains paramètres ne sont pas maitrises) enfin la dispersion: en d'autre terme, on noie le poisson, en parlant d'autres agressions, certes  bien réelles comme le  varroa, le manque de fleurs, le  réchauffement climatique , le frelon asiatique dernièrement , voir l'incompétence des apiculteurs  etc. ). Ainsi, en  évoquant à outrance la cause multifactorielle, on tend  à minimiser le rôle des pesticides dans le déclin des abeilles, ceci avec la complicité d'agences ou de service d'état. Et 20 ans passent avant l'arrêt … et la reprise dernièrement sur les betteraves.  

Ainsi la formulation actuelle de la question glisse de "comment les insecticides systémiques affectent les abeilles vers "comment expliquer la mort des abeilles ?", cette dernière question élargissant la focale notamment avec celle "accessoirement " de la mortalité naturelle "normale".

Bref un bon livre qui peut être acheté  en petits bouts en téléchargement  mais de préférence en entier !